Higa Minoru

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Pas de tradition sans évolution

Passé par plusieurs Arts Martiaux, Maître Higa Minoru est un passionné du Karaté. Chaque entraînement dans une autre discipline est pour lui une manière d’améliorer son Karaté. C’est ainsi qu’il défend ces valeurs avec conviction. Sans pour autant figer sa pratique et son art martial.

Higa Minoru

Son âge

Maître Higa aura 81 ans (2023) – né le 18 septembre 1941 à Naha (Okinawa, Japon).

Son style

Le Karaté Shorin-ryu Kobayashi du dojo Kyudokan, à Okinawa.

Son grade

Celui-ci est 10e dan de Karaté Kyudokan et 4e dan de Judo Kodokan.

Ses débuts

Il débute le Judo en 1953 à Okinawa avec Maître Seigen. Il pratique la musculation et, à 17 ans, il devient champion junior de Sumo d’Okinawa. À 18 ans, il suit l’enseignement de Karaté de Maître Higa Yuchoku, son oncle.

Durant ses études dans une université de Tokyo, celui-ci pratique l’Haltérophilie durant 4 ans. Ainsi que le Judo et la forme, avec d’autres étudiants, un groupe pour s’entraîner au Karaté. En 1968, il gagne le championnat amateur de Boxe dans la catégorie des lourds.

Son rôle

Maître Higa est président de la Fédération Mondiale des Dojos Kyudokan et membre du Comité de la Fédération de Karaté et Kobudo d’Okinawa. Il est également vice-président de l’une des quatre fédérations okinawaïennes de Karaté et Kobudo (un regroupement au sein d’une même structure est envisagé). Maître Higa occupe aussi diverses fonctions au sein des fédérations de musculation et d’haltérophilie.

Maître Higa Minoru a lié sa vie Karaté. Il vie à Okinawa, aux racines de cette discipline en fonction de laquelle il oriente toutes ses pratiques sportives. Humble, ouvert et pédagogue. Cependant il porte un œil réaliste sur les évolutions de sa discipline et sur le rôle qu’elle devrait jouer dans le quotidien et l’évolution personnelle de chacun. À la fois sage et combattant, il semble très proche du senseï rêvé tel que la popularisée le cinéma. Maître parmi les maîtres, Higa Minoru est un exemple dont beaucoup devraient s’inspirer…

Karaté Bushidô : Vous êtes le Soke du Kyudokan, suite au décès de Maître Higa Yuchoku. Comment assez-vous cette succession ?

Higa Minoru :

Je souhaite ne rien changer aux principes d’enseignement de mon maître et suivre son exemple.

Karaté Bushidô : Que représente pour vous le Karaté ?

Higa Minoru :

C’est la formation, le cheminement pour le développement de l’être humain.

Le Karaté ne doit pas servir à faire des gens forts physiquement, bons en combat. Mais plutôt dans le but de former des être vertueux, modestes, qui respectent les plus anciens (les sempaïs). Il faut devenir fort en s’entraînant beaucoup, tous les jours, sans relâche.

La modestie viendra naturellement. C’est la plus grande des forces. Pour cette élévation spirituelle : la calligraphie, l’ikebana, la cérémonie du thé…

Karaté Bushidô : Comment définiriez-vous cet art en trois mots ?

Higa Minoru :

L’entraînement (reneshu), la gentillesse (yasachisa) et l’harmonie (chowa).

Karaté Bushidô : Quel est l'élément le plus important pour pratiquer correctement ?

Higa Minoru :

Tout d’abord, les bases, le kihon. Ensuite, il est nécessaire d’être précis dans les techniques et de travailler l’impact (le makiwara). J’insiste beaucoup sur l’importance de la position de la tête. Puis du regard et, pour les tsukis, le verrouillage sous scapulaire. Ainsi que la rotation des poignets et la position du poing à l’impact.

Karaté Bushidô : Qu'avez-vous changé par rapport à l'enseignement de Maître Higa Yuchoku ?

Higa Minoru :

Mon Maître enseignait à 7 ou 10 personnes. Son idée était de constituer un groupe de karatékas de très haut niveau. En ce qui me concerne, je souhaite laisser une chance à tous pour permettre au plus grand nombre de s’élever.

Mon maître refusait des élèves, moi pas. (Ndlr : Maître Higa enseigne bénévolement. Il règle sa cotisation mensuelle de 5 000 yens (37 €) comme tous les élèves. La somme ainsi collecté est remise à la veuve du maître fondateur qui habite toujours au-dessus du dojo).

Karaté Bushidô : Quel est votre Kata préféré ?

Higa Minoru :

Jion. C’est mon maître qui m’a enseigné la profondeur de ce Kata. À l’époque, notre maître décidait, pour chacun, un Kata spécifique à approfondir.

Karaté Bushidô : Que pensez-vous des bunkaïs et comment abordez-vous cela dans l'enseignement ?

Higa Minoru :

J’enseigne le bunkaï de base (l’application). Ensuite l’élève devra rechercher personnellement d’autres applications. Il n’y a pas de mauvais bunkaï.

À Okinawa, il n’y a pas d’enseignement de bunkaï normalisé.

Karaté Bushidô : Quelles sont les différences entre le Shorin-ryu Kyudokan et les autres écoles Shorin-ryu ?

Higa Minoru :

Dans le Shorin-ryu Kyudokan, la pratique du makiwara est très importante. C’est la raison pour laquelle, pendant que cinq élèves font du makiwara. Entre-temps cinq autres, en alternance, font un travail de flexion pour renforcer les cuisses.

Karaté Bushidô : Que vous a appris votre Maître Higa Yuchoku ?

Higa Minoru :

Il m’a appris à être une bonne personne dans la société. Par exemple, mon maître disait souvent « occupe-toi bien de ta famille« .

Karaté Bushidô : Vous êtes aussi judoka 4ᵉ dan Kodokan, ancien champion de boxe et vous avez votre propre salle de musculation. Pensez-vous qu'il soit important de pratiquer d'autres disciplines en vue d'enrichir sa propre pratique du Karaté ?

Higa Minoru :

Je pratique ce qui a un rapport avec mon art martial. Par exemple, le golf n’en a pas. Alors que, dans la société japonaise, il est un moyen de rencontres professionnelles. Pour moi, le Karaté est plus important que le bénéfice qui pourrait être obtenu par ce sport.

Karaté Bushidô : On voit maintenant des combattants de tous les styles s'affronter sur des rings et des cages. Bien souvent, des lutteurs gagnent contre des frappeurs, pensez-vous que c'est l'évolution du véritable combat ?

Higa Minoru :

S’il y a des gens à qui cela fait plaisir alors… cela correspond à un désir. Peut-être est-ce très bon ? Mais, il ne faut pas imposer ses désirs aux autres. Il faut protéger les valeurs sans aliéner les autres à sa propre pratique.

Karaté Bushidô : Le combat au sol se pratique maintenant partout et des karatékas se lancent dans la pratique de ces techniques. Pensez-vous que ce soit une erreur ou êtes-vous d'accord avec eux ?

Higa Minoru :

C’est une très bonne chose. À l’origine, à Okinawa, il n’y avait pas de travail au sol. Ceux qui aiment bien s’affronter viennent parfois, et même souvent, au sol. Celui qui ne connaît pas le « sol » a perdu.

Karaté Bushidô : Que souhaitez-vous voir pour l'avenir du Karaté dans le monde ?

Higa Minoru :

J’aimerais voir un développement important du Karaté. Le Karaté d’Okinawa est passé par Tokyo pour se développer dans le monde. Il est passé par un filtre, un « filtre adaptateur ».

Karaté Bushidô : Quelles sont pour vous les grandes différences entre le Karaté d'Okinawa, le Shorin-ryu et les Karatés du Japon (Shotokan, Shito-ryu…) ?

Higa Minoru :

Le Karaté Japonais est fait de techniques plus amples, de positions plus grandes… Celui d’Okinawa n’avait pas comme objectif d’en faire la promotion, de faire des démonstrations. Le Karaté japonais a voulu être démonstratif, ample.

S’il avait gardé la dimension d’Okinawa, il n’aurait sans doute pas connu le même essor dans le monde. Peut-être était-il nécessaire de passer par cette transition ? Au départ, à Okinawa, il n’y avait pas d’organisation dans un style. Les écoles, les styles se sont créés après.

Karaté Bushidô : Les étrangers ont démontré qu'ils étaient très forts en Karaté, mais pensez-vous qu'ils "comprennent" la culture des arts martiaux d'Okinawa ou du Japon ?

Higa Minoru :

En ce qui me concerne, lorsque je rencontre des étrangers je trouve qu’ils sont très polis. Le respect des anciens existe. Il me semble que ceux que je vois venir ont un objectif : s’améliorer.

J’ai l’impression qu’ils utilisent les Arts Martiaux comme un moyen d’évolution spirituelle. L’objectif du combat de rue n’est pas le leur. Mais certaines logiques ne sont pas les mêmes entre les Japonais et les Occidentaux.

Il est nécessaire d’enseigner les bases des bonnes manières du dojo et du Karaté. Mais il ne faut pas imposer ses valeurs dans la vie de tous les jours. Par contre, au dojo, un autre rapport doit s’installer.

Karaté Bushidô : On peut remarquer dans beaucoup de sports une évolution dans les pratiques. Par exemple, le saut en hauteur n'est pas ce qu'il était il y a quelques dizaines d'années. La tradition du Karaté peut-elle se placer dans une logique d'évolution ?

Higa Minoru :

Les choses peuvent évoluer s’il y a une logique dans cette évolution. L’observation de détails techniques de photos d’anciens maîtres peut surprendre et même poser question.

Mais peut-être qu’ils se plaçaient dans une logique technique de l’époque. Actuellement, si l’on considère que certains points peuvent représenter une erreur, alors on peut les faire évoluer.

Son conseil

« Si l’on n’étudie pas d’un bon maître, c’est comme si on n’étudiait pas. Il faut toujours travailler les bases ».

« Je souhaite laisser une chance à tous pour permettre au plus grand nombre de s’élever ».

« Les choses peuvent évoluer s’il y a une logique dans cette évolution »
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